Conseils de l'expert
La fin de l’hiver et l’arrivée du printemps s’accompagnent souvent des derniers gros travaux de taille sur les arbres feuillus et fruitiers. C’est à ce moment-là que l’on peut facilement observer, en ville et en campagne, chez les particuliers comme dans les espaces publics, la forme si particulière des arbres têtards.
Fonctionnement et origine de la pratique de la trogne
La trogne (ou arbre têtard) est un arbre taillé périodiquement à la même hauteur pour provoquer la pousse de jeunes rejets que l’on peut récolter périodiquement. Entre le têtard, où la coupe s’effectue principalement au sommet, et l’émonde, où elle a lieu surtout latéralement, il existe une multitude de combinaisons : une trogne peut avoir plusieurs têtes, plusieurs troncs, plusieurs bras… Après chaque recépage, surgissent des bourgeons latents qui donnent de nouveaux rameaux (suppléants) et des bourrelets de recouvrement se forment au niveau des branches coupées. Ces tissus vivants recouvrent plus ou moins les coupes et préparent de nouveaux bourgeons. Au fil des recépages, la formation des bourrelets génère des replis et des boursouflures qui donnent aux trognes cette allure particulière.
Cette pratique ancestrale était particulièrement utilisée en milieu rural afin de produire du bois de chauffe sans abattre les arbres. De nombreuses haies agricoles présentent ce faciès.
La taille stimule la production de jeunes branches par l’arbre qui va chercher à retrouver son port et son volume d’origine. On trouve de nombreux saules taillés en têtard en lien avec la pratique de la vannerie. En milieu rural, cette pratique a donc son utilité et peut être considérée comme appartenant au patrimoine paysager et culturel.
La pratique de la trogne ne doit pas être systématique
Pour autant, par essence, un arbre n’a pas besoin d’être taillé. La taille ne doit pas être abordée comme une manière de « faire du bien à l’arbre » mais doit bien être rapportée à son utilité économique et paysanne. Il n’a pas besoin de l’action de l’homme pour croître et vivre plusieurs siècles.
En ville et dans les jardins, l’arbre permet d’apporter de l’ombre, de lutter contre les îlots de chaleur, d’être support de biodiversité, d’enrichir voire de garantir la qualité du cadre de vie. Il ne sert pas à produire du bois de chauffe.
Quels risques pour l'arbre ayant subit une taille en têtard ?
Au cours de sa vie, l’arbre grandit sans cesse. À chaque printemps, la mise en place de son système foliaire et la fabrication de ses nouveaux rameaux et nouvelles racines lui demandent une dépense d’énergie considérable, chaque année plus importante. Une fois cette masse végétale installée, l’arbre va s’appliquer à stocker des réserves dans ses racines, son tronc, ses branches et ses rameaux pour pouvoir répéter ces opérations au printemps suivant. Ces réserves sont également utilisées dans sa lutte contre les agents pathogènes ou pour réparer des dommages physiques (bris de branches par exemple).
Outre l’atteinte à la qualité paysagère de l’arbre (effet porte-manteau), la taille drastique réduit la capacité d’ombrage de ces derniers, les rendant plus vulnérables au stress (hydrique notamment), et favorisant l’attaque de pathogènes. Il a notamment été démontré sur le platane que des arbres taillés radicalement avaient un niveau global de réserves de 40% à 60% inférieur à des sujets non taillés et ce, sept années après la coupe des branches
Si l’objet de la taille concerne la réduction de l’emprise de l’arbre, on peut alors questionner la pertinence de l’espèce choisie sans cohérence avec l’échelle du lieu selon son emprise à âge adulte.
Pour autant, un arbre qui a toujours été mené en trogne rencontrera des difficultés à retrouver une structure pérenne avec des charpentières (risque de déchirure sous le poids des charpentières que les bourrelets formés par la taille en têtard ne peuvent pas bien supporter). Il peut donc être nécessaire de continuer à la pratiquer pour la survie de l’individu.
Dans tous les cas, la production d’ombre est compromise pour quelque temps suite à la réalisation d’une taille sévère et l’impact carbone de cette intervention ne doit pas non plus être oubliée (utilisation de tronçonneuses à essence, broyeur thermique, déplacement des déchets de taille…). Cette taille doit donc être pratiquée intelligemment et avec parcimonie.
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